202009.30
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Illustration des cas dans lesquels la preuve résultant du détective privé est recevable

Dans le cadre d’un contentieux, l’une des parties au litige pourrait avoir intérêt à recourir à un détective privé en vue de rapporter au juge des preuves nécessaires en sa faveur.

L’enjeu juridique est important : dans quelles mesures, les moyens de preuve peuvent-ils aller titiller le droit au respect de la vie privée des individus ? En principe, la preuve doit être loyale.

Les procédés de preuve déloyaux ou constituant une atteinte à la vie privée sont eux prohibés. Mais, la question qui se pose est de savoir si les rapports établis par le détective privé sont licites et recevables devant les tribunaux.

La recevabilité de la preuve résultant de la filature du conjoint

Il est intéressant de rappeler un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Civ. 2e, 3 juin 2004, no 02-19.886). En espèce, un homme avait fait suivre son ex-épouse par un détective privé afin de rechercher les éléments du train de vie de cette dernière et l’existence éventuelle d’une situation de concubinage en vue d’obtenir la suppression de la prestation compensatoire après divorce.

Le recours à la filature d’un époux peut être considéré comme une ingérence. A cet égard, les juges du fond avaient considéré que l’ingérence dans la vie privée de cette femme était justifiée par la nécessité d’établir devant le juge aux affaires familiales la réalité des revenus de chacune des parties. Mais, la solution des juges du fond a été censurée par la Cour de cassation.

Celle-ci, au visa de l’article 9 du code civil, a rappelé qu’« est illicite toute immixtion arbitraire dans la vie privée d’autrui » et retenu que cette femme « avait été épiée, surveillée et suivie pendant plusieurs mois, ce dont il résulte que cette immixtion dans la vie privée était disproportionnée par rapport au but poursuivi ». 

Ce que l’on peut retenir de cette solution est que la Cour de cassation n’interdisait pas le recours à la filature par des détectives privés, mais elle sanctionnait simplement le caractère abusif ou disproportionné de cette pratique.

Cela veut dire que le rapport établi par un détective privé aurait pu être recevable si l’atteinte à la vie privée n’était pas disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi. Ainsi, pour défendre leurs clients, les avocats peuvent évidemment se baser sur les rapports d’enquêtes des détectives privés.

La recevabilité de la preuve résultant des photographies d’une personne

Dans la continuité du principe de l’absence de prohibition, nous pouvons observer que la Cour de cassation s’est prononcée dans le même sens dans un autre arrêt (Civ. 1re, 10 sept. 2014, n° 13-22.612).

En l’occurrence, la question qui s’est posée était la suivante : y a-t-il atteinte au respect de la vie privée d’autrui dans le fait, afin de vérifier un préjudice oculaire allégué en justice, de demander un rapport d’enquête à un détective privé qui procède à des observations depuis la voie publique ?

En effet, les hauts magistrats ont considéré que le rapport d’un détective privé comportant des photographies et tendant à démontrer que l’intéressé n’était pas atteint du trouble de la vision qu’il alléguait n’a pas été écarté par la Cour de cassation.

Celle-ci a considéré que l’atteinte au droit au respect de la vie privée était proportionnée : « qu’une telle atteinte n’est pas disproportionnée lorsque, eu égard au droit à la preuve de toute partie en procès, elle se réduit, dans ce but et comme en l’espèce, à la simple constatation de l’absence de port de lunettes lors de la conduite d’un véhicule ou lors du ménage et rangement d’un balcon ».