Il est courant d’entendre qu’il suffirait de fermer les sites de production de contrefaçons pour venir à bout de ce fléau. Cependant, il est tout à fait impossible de procéder de la sorte eu égard aux enjeux que représentent la contrefaçon pour la Chine, principal pays de production.
La contrefaçon : des enjeux économiques, financiers et sociaux importants
Le marché de la contrefaçon représente une manne financière extrêmement conséquente pour la Chine même si les chiffres publiés sur le sujet sont très aléatoires. Le gouvernement chinois évaluait en 2001 la contrefaçon à 10% de sa production industrielle nationale lorsqu’une étude américaine l’évaluait à 30 % en 2007, faisant vivre 5 millions de travailleurs1.
Le poids économique et social est donc colossal pour ce pays, ses dirigeants en ont parfaitement conscience et ont intérêt à faire preuve d’un certain laxisme pour préserver l’économie du pays.
Par ailleurs, nous pouvons avoir tendance à croire que les conditions de travail des ouvriers fabriquant ce type de marchandises travaillent dans des conditions déplorables comparées à celles du commerce légal. En réalité il s’agit souvent des mêmes ouvriers et leurs conditions de travail sont à peu prés similaires.
Par exemple, Nike est un groupe extrêmement réactif dans la protection de ses droits en France, au contraire d’Adidas, mais nous savons que les conditions de travail des ouvriers de ses sous-traitants chinois sont parfois déplorables et régulièrement dénoncées par les organisations internationales. Il n’y a donc pas d’un côté des usines saines et de l’autre des usines inhumaines.
Le double jeu de la Chine en matière de contrefaçon
La Chine est un acteur majeur du marché de la contrefaçon car plus des deux tiers des produits contrefaits en sont issus, et près de 23% sont originaires de Hong-Kong2.
Outre la manne financière que cela lui rapporte, nous remarquons que si le pays n’est pas regardant vis à vis de ses exportations, il en est tout autrement de ses importations.
La Chine pratique un protectionnisme économique fort et défend ses intérêts avec vigueur dans la guerre économique mondiale. Aussi, si les étrangers ont beaucoup de difficultés à faire valoir leurs droits de propriété intellectuelle, les entreprises chinoises profitent largement du droit chinois en la matière qui profite au premier déposant, notamment en matière de brevet et quelle que soit l’antériorité d’un dépôt à l’étranger.
Quelques décisions de justice ont d’ailleurs coûté très cher à des sociétés étrangères titulaires de brevets à l’étranger mais doublées par des entreprises chinoises en Chine.
Le groupe Alibaba est le numéro 1 mondial de la vente en ligne, il possède des dizaines de marques et de sites web en Asie, et a mis un premier pied dans le marché européen fin 2015.
Son fondateur et dirigeant, Jack MA, est la deuxième fortune de Chine.
Le groupe est ciblé depuis sa création par l’ensemble des marques mondiales car il est reconnu comme la plus grande vitrine de contrefaçons au monde.
Si Jack MA semblait donner des gages de bonne volonté dans la lutte anti-contrefaçon au début de l’année 2016, probablement dus à son arrivée sur le marché européen, ses déclarations du 14 juin 2016 au siège de son entreprise à Hangzhou, près de Shanghaï, ont fait beaucoup de bruit :
« les produits de contrefaçon sont souvent de meilleure qualité que les produits authentiques »3
« Ce sont exactement les mêmes usines, les mêmes matériaux, mais ils n’utilisent pas leurs vrais noms. » Et de conclure : « Ce ne sont pas les faux produits qui détruisent les vrais, c’est ce modèle économique. »4
Ces déclarations de Jack Ma ont fait grand bruit en France mais elles soulèvent un point fondamental pour les marques : le rapport qualité/prix des marchandises tend à favoriser les contrefaçons en raison des prix trop élevés pratiqués par les grandes marques.
En effet, la course aux profits qu’elles mènent les obligent à pratiquer des prix parfois déraisonnables, plus axés sur le marketing que sur la qualité intrinsèque des marchandises.
1 Pierre DELVAL, Le marché mondial du faux - Crimes et contrefaçons, CNRS Editions, 2010, p. 110 2 Infographiie OCDE, Trade in counterfeit and pirated goods, 2016, chiffres OCDE et EUIPO, 2013 p. 2 3 http://www.contrefacon-riposte.info/la-contrefacon/5143-l-unifab-condamne-fermement-les-declarations-de-jack-ma-sur-la-contrefacon 4 http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/06/16/le-patron-d-alibaba-prefere-les-copies-aux-originaux_4951410_3234.html